Et la réforme de l’Etat ?
Economiser soixante milliards sur un quinquennat était un des objectifs du candidat Macron, sans qu’il ait précisé la nature des économies (pas plus que les autres candidats) à l’exception d’une réduction du nombre des fonctionnaires et des dotations aux collectivités locales. En l’absence d’un dispositif et d’une méthode précise, le flou subsiste sur la mise en œuvre par le Président de cet objectif.
Pour l’instant, l’on s’en tient à l’échenillage et au rabot. C’était inévitable pour le gel des crédits 2017. Ce qui était évitable, c’était l’annonce dans le désordre des mesures. Il appartenait au Premier Ministre de faire les arbitrages, après consultation des ministres concernés, voire des élus locaux, et de les annoncer et non au Ministre du Budget. Ce dernier a donné l’impression de décider, accompagnant ses annonces de commentaires démagogiques sur le train de vie de l’état, les gâchis et le trop plein des fonctionnaires. Or ce ne sont pas les dépenses de souveraineté qui sont excessives en France, si l’on se réfère aux comparaisons internationales, même si des économies sont nécessaires.
Pour 2018, l’on procéderait autrement en opérant des réformes structurelles. Le temps est bien court pour infléchir substantiellement les politiques publiques et les premières indications laissent perplexe. Ainsi, pour le logement un appel aux propositions a été lancé et la réforme résulterait de cette consultation ultra rapide alors qu’il est improbable que la juxtaposition de propositions hétérogènes, même si certaines sont pertinentes, constitue un ensemble cohérent.
A la vérité, la méthode choisie a peu de chances de réussir. La direction du budget a en charge de proposer des économies qui seront portées sur le plan politique par le Ministre des Finances. Or dans le passé, à chaque fois que cette fonction a été confiée au Budget, ce fut l’échec (RCB/ rationalisation des choix budgétaires) Les budgétaires parent au plus pressé, ce qui est normal, voire indispensable, et ne situent pas dans un horizon long. Du fait de l’urgence, ils consultent peu mais imposent.
La réforme de l’Etat doit être confiée à un organe autre que la direction du budget, même si elle a un rôle de propositions. Une structure interministérielle rattachée directement au Premier Ministre qui arbitre et décide est nécessaire.
Sous la présidence Sarkozy, une démarche ambitieuse avait été esquissée avec la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). Des études de réorganisation sérieuses avaient été réalisées par les Inspections et des cabinets privés. Elle a trouvé ses limites dans son caractère confidentiel. Une réforme profonde de la politique du logement ne peut être décidée par les seuls ministères. Elle doit associer à la fois les parlementaires, les élus locaux et les acteurs principaux du secteur.
Les conditions d’une réforme de l’Etat sont connues. A côté d’une structure sous pilotage du Premier Ministre, un calendrier doit être annoncé. On ne peut étudier simultanément toutes les fonctions assurées par la puissance publique, en prenant le risque de déstabiliser toute l’administration. IL s’agit non seulement de modifier les procédures mais de réduire le champ des interventions (plus rarement de l’élargir) et les effectifs. Il faut fixer des priorités compte tenu de choix politiques et financiers et des opportunités, certaines fonctions étant particulièrement sensibles (santé) Il convient de se donner du temps, la révision de l’ensemble des politiques publiques dépassant la durée d’un quinquennat. Le seul critère budgétaire ne saurait être retenu, le souci de la qualité du service et de la simplification doit être omniprésent. Rappelons aussi que si in fine une réorganisation « rapporte » elle peut commencer par « couter » dans un premier temps en investissements (numérisation) Retarder ces investissements comme cela a été fait lors du gel maintenu des crédits fin 2017, c’est retarder les réorganisations.
Il est surprenant que l’ancien chargé de mission à l’Inspection Générale des Finances, qui connait de l’intérieur ces problèmes, ne se soit pas engagé sur cette voie. Procéder à des coupes brutales, sans vue d’ensemble de ce que doit être l’Etat au XXI ème siècle, engendrera des secousses sociales et des retours en arrière avec des bénéfices financiers limités. Croire que les économies budgétaires sont rapidement réalisables pour des montants élevés est une conviction dangereuse. Mieux vaudrait étaler dans le temps les baisses d’impôts ou retenir une mesure fiscale qu’approuvait l’actuel Premier Ministre, en tant que soutien du candidat Fillon, une hausse de la TVA.
Pierre-Yves Cossé
Septembre 2017
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