Son parcours est connu. Il a été rappelé dans la presse du lundi 27 avril. Fils d’une famille juive, installée en France en 1948, il était né à Leninabad dans l’ancienne URSS, où ses parents avaient été envoyés en camp de travail depuis une petite ville de Galicie proche d’Auschwitz. C’était déjà éprouver la dureté du siècle. Ses convictions politiques précoces l’ont amené du sionisme de gauche au communisme, au trotskisme – avec la fondation de la Jeunesse communiste révolutionnaire en 1965 et celle de la Ligue communiste en 1969 – enfin au socialisme. Une des figures clefs de 1968, il a montré dès ce moment ce qui sera sa marque. Militant, il l’a été, ô combien ! Présent dans de multiples manifestations et réunions, dirigeant même pendant quelques années le service d’ordre de la Ligue. Intellectuel, il l’a été tout autant par sa volonté d’analyser le mouvement dont il était acteur, avec notamment le livre qu’il lui a consacré, avec Daniel Bensaïd, et la direction qu’il a exercée du journal Rouge et la revue théorique Critique communiste. Enseignant à la faculté de Vincennes, chaudron idéologique de l’après-1968, il a pu approfondir sa réflexion politique et économique. On connaît son désengagement progressif du gauchisme, depuis la fin des années 1970, et son adhésion réfléchie au Parti socialiste en 1986 (six ans de réflexion quand même…). Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’il a voulu fonder en raison ce qui était une rupture existentielle, en revenant aux fondamentaux, en se plongeant, lui le « léniniste », dans les écrits, oubliés alors par les socialistes eux-mêmes, de Karl Kautsky et d’Édouard Bernstein particulièrement, pour réinterpréter tous les débats qui avaient donné naissance au communisme et qui, par contrecoup, avaient amené la social-démocratie à se définir.
C’est le Henri Weber socialiste que j’ai connu depuis la fin des années 1980. Nous étions, au début, des adversaires de tendances, lui « fabiusien » et moi « rocardien »… Les controverses ont été vives et les congrès animés. Mais nous nous posions souvent les mêmes questions sur les évolutions et l’avenir du socialisme démocratique. Les années 2000 nous ont rapprochés, dans la confrontation avec le « blairisme » notamment, et avec la critique de « la gauche de la gauche » qui condamne par principe la social-démocratie. Notre présence commune au Bureau national du Parti socialiste depuis la fin des années 1990, presque chaque semaine, nous a fait confronter nos analyses sur la plupart des problèmes. Une amitié en est née. Et nous avons été amenés à faire de nombreux déplacements militants, en France ou à l’étranger, propices aux discussions. À ces occasions, j’ai toujours aimé la manière dont Henri se saisissait d’un livre ou d’un document pour les lire attentivement, pour les annoter, pour reporter, chemin faisant, ses réflexions sur un carnet qui ne le quittait jamais, pour mener ainsi une discussion avec les auteurs, pour s’enquérir, ensuite, de l’avis de ses amis. Ce sérieux, façonné par sa solide formation politique, allait sans dogmatisme, et non sans humour. C’est cette alliance, somme toute assez rare, qui faisait le prix de sa personnalité et de son amitié. On pouvait être en désaccord avec lui, et nombre de socialistes l’ont été au fil des ans, mais on ne pouvait que l’apprécier pour mettre les débats à un bon niveau. Avec lui, nous avons cessé de parler, mais pour ses amis, cela ne sera pas pour autant le silence. Et pour terminer par un réflexe qui lui était coutumier, indiquer le livre qu’il fallait lire, je donnerai deux indications bibliographiques le concernant, ses souvenirs récents bien sûr, Rebelle jeunesse, parus en 2018, si attachants, et ses analyses sur La Nouvelle Frontière. Pour une social-démocratie du XXIe siècle, de 2011, mais qui apportent bien des éléments utiles dans les préoccupations qui sont celles des socialistes aujourd’hui.
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