Réflexions sur le Coronavirus – par Jean-Jacques un dirigeant d’entreprise

   1  La Chine et le virus

La Chine est le pays d’origine de l’épidémie. C’est le hasard des mutations génétiques qui en a décidé ainsi. Ce qui en revanche ne relève pas du hasard c’est le fait que l’épidémie a explosé et échappé à tout contrôle parce que, entre lutter contre une épidémie et cacher un réalité dérangeante, les responsables du PCC à Wuhan ont choisi la seconde tactique (et, justice immanente, ont récolté et l’épidémie et le dévoilement de leur incompétence).

À partir de là, le pouvoir chinois a voulu faire de sa capacité à maîtriser l’épidémie une démonstration de son efficacité : d’où le recours aux méthodes les plus brutales (11 semaines de confinement rigide à Wuhan) pour arrêter l’épidémie à tout prix, et une falsification systématique des chiffres pour occulter le prix humain réel de cette tactique. Je ne reviens pas sur les polémiques sur le nombre des morts, mais aucun Chinois ne croit les chiffres de son propre gouvernement.

La désinformation est allée bien au-delà : qu’on songe simplement au fait qu’on n’a appris qu’en mars que les cas asymptomatiques, voire pauci-symptomatiques, testés par les médecins chinois ne figuraient pas dans le compte des personnes contaminées, alors même que leur nombre atteindrait 40 000 et serait encore sous-estimé (par définition un patient asymptomatique est difficile à identifier). De même, ce n’est qu’après que des médecins européens ont constaté la forte corrélation entre anosmie (perte de l’odorat) et contamination par le Covid19, qu’on apprend qu’effectivement ce symptôme avait été identifié en Chine. En creusant un peu, on découvrirait sans doute que la symptomatologie atypique de certaines personnes âgées (toux, diarrhée, confusion mentale) avait aussi été identifiée en Chine, mais non communiquée à la communauté médicale internationale. Certains pourraient même penser que la non-divulgation transparente de telles informations interdit aux autres pays de bénéficier de l’expérience chinoise pour mieux contrôler l’épidémie. De ce point de vue, c’est une réussite : combien de morts italiens, espagnols, français, etc. sont la conséquence directe de cette rétention d’information ?

C’est alors que la Chine joue le second acte de sa pièce : pour faire oublier qu’elle a contaminé le monde, et qu’elle a elle-même dû, au départ, faire appel aux ressources de l’Occident pour contrôler l’épidémie, elle met en scène son « succès » du premier acte et sa « générosité » en distribuant, avec autant de parcimonie que de propagande ses masques et équipements dans le monde. Et l’Occident ébahi est censé reconnaître la supériorité du capitalisme à la chinoise et du leadership du PCC…

Il est cependant douteux que le 3e acte soit aussi glorieux que le PCC l’espère. Déjà l’épidémie repart dans certaines régions chinoises : les autorités mettent en avant des cas importés (histoire de soutenir que ce n’est pas un virus chinois, passant sous silence que 90% des cas importés le sont par des Chinois de retour de l’étranger), mais dans un pays où tout arrivant est soumis à quatorzaine systématique, même l’existence de cas importés est un échec. De plus de nombreux indices laissent penser que tous les nouveaux foyers ne sont pas importés. Ensuite, la Corée du Sud démontre qu’on peut maîtriser l’épidémie à un moindre coût économique et démocratique que ne l’a fait la Chine. Enfin la stratégie d’arrêt de l’épidémie qu’a voulu mettre en œuvre la Chine, ne pouvait être un succès que si l’épidémie n’avait pas gagné le reste du monde pour y prospérer. Aussi grande soit-elle, la Chine ne peut pas vivre en autarcie : si le virus se déploie dans de vastes parties du monde jusqu’à atteindre le seuil d’immunité naturelle (et on voit mal comment ce ne serait pas le cas en Asie du Sud et du Sud-Est, en Afrique, en Iran, etc.) alors il deviendra un virus endémique de l’espèce humaine et reviendra en Chine. Depuis le début du mois de mars j’ai mis en garde nos collègues chinois contre la prochaine vague du virus. Aura-t-on trouvé un vaccin entre temps ? C’est un pari audacieux, alors qu’on n’a jamais trouvé de vaccin contre le rhume en 40 ans de recherche !

  1. La réalité et les chiffres

L’affichage des chiffres officiels dans la plupart des pays du monde (à l’exception sans doute de la Corée du Sud et de l’Allemagne où les tests sont très largement déployés) fait immanquablement penser au sketch de Coluche où le héros cherche ses lunettes sous le lampadaire et non là où il les a perdues.

Chacun sait que le nombre de personnes contaminées est infiniment supérieur aux chiffres annoncés, qui ne concernent que les personnes testées positives (et alors même qu’on sait statistiquement que 20 à 40 % des personnes testées négatives sont des « faux négatifs »), sachant qu’on ne teste que les soignants et les malades graves.

Si on veut approcher le nombre réel de malades, on ne peut le faire que de manière indirecte.

Par exemple : dans notre entreprise nous suivons le nombre de malades testés, mais aussi ceux diagnostiqués mais non testés, et ceux mis à l’isolement (cas contacts, cas pauci-symptomatiques) mais non testés. Il y a depuis le début de l’épidémie un rapport de 1 à 12 entre testés et diagnostiqués, et de 1 à 14 entre testés et isolés : admettons que seuls la moitié des isolés soit contaminés, cela signifie que les cas réels sont 20 fois ceux comptés (testés positifs).

Mais ce faisant on ne tient pas compte des asymptomatiques : si on reprend le seul chiffre disponible, celui de la Chine (40 000, pour 80 000 cas symptomatiques) il faut encore ajouter 50% à ce total : les 62 605 cas officiels du 4 avril représentent en réalité quelque 190 0000 personnes contaminées.

Autre exemple : si on en croit les statistiques coréennes (les seules à peu près fiables), la mortalité du Covid est d’environ 1 % (de 0 % en dessous de 29 ans à 9-12% au-dessus de 80 ans). Sachant qu’environ 15 jours séparent la contamination d’une crise fatale, l’ordre de grandeur de 850 morts par jour que nous connaissons actuellement veut dire qu’il y a 15 jours (vers le 20 mars) le nombre de nouveaux cas devait être de + 85 000/jour (ou + 42 500 si on admet une mortalité de 2 %), au lieu des 1800/jour annoncés (testés) ces jours-là.

En tous cas les ordres de grandeur entre les deux modes de calcul indirect sont cohérents.

Le chiffres réels de contamination sont donc de l’ordre de 30 fois ceux testés. Les calculs précédents négligent les Ehpad, mais il est vraisemblable que cela ne changerait guère les ordres de grandeur. Pourquoi n’indique-t-on pas les vrais ordres de grandeur ? Cela me dépasse. Certes on n’a aucun compte exact, mais comme me l’a enseigné un jour un de mes professeurs d’économie « ce n’est pas parce qu’on ignore si un chiffre est égal à 8 ou à 9 qu’on peut faire impunément comme s’il était égal à zéro ! ».

Il est vrai que reconnaître que nous avons 2 ou 3 millions de porteurs du virus (heureusement de plus en plus sont guéris et non contagieux) signifie que l’épidémie peut être ralentie mais en aucun cas arrêtée. Et cela oblige à dire pourquoi on la ralentit.

Même si nous sommes déjà à deux millions de contaminés, l’immunité naturelle veut que 40 millions de personnes soient contaminées : à raison de 200 000/jour, il faudrait 200 jours, et à 1 % de mortalité nous aurons 400 000 morts (autant qu’en avait fait la grippe espagnole sur une population de 30 millions à l’époque). On peut améliorer ce bilan en isolant strictement toutes les populations fragiles (par exemple dans les hôtels actuellement vides, pour éviter la contamination intrafamiliale entre population fragile et population déconfinée) et en faisant porter sur les jeunes la charge d’assurer l’immunité naturelle de tous. A cette conditions on pourrait avoir plus de 200 000 contaminations par jour sans saturer le système de soins, mais cela prendra tout de même des mois.

Si nous attendons un médicament miracle, les chances sont faibles. Les Chinois ont testé les antiviraux connus et il ne semble pas qu’une percée ait été faite (cela dit, compte tenu de ce qui est dit plus haut sur les informations chinoises, il est prudent de faire nos propres essais), et l’invention d’un nouveau médicament prendra plus de 200 jours.

Un vaccin, sauf chance extraordinaire, prendra aussi plus de 200 jours.

Personne ne croit à 200 jours de confinement: ce n’est plus une récession, c’est la ruine !

  1. Et ailleurs ?

Pendant ce temps en Afrique, au Moyen Orient ou en Inde, la maladie va diffuser rapidement, faisant non pas 1 %, mais 3 ou 4% de morts, et atteignant très vite l’immunité naturelle. Dans 6 mois ou un an les migrants dans le monde entier seront endémiquement porteurs du virus. Croire que nous pourrons fermer nos frontières au virus durablement est une illusion.

Soit on attend le miracle (« vaccin ex machina »), soit on cherche une sortie.

Le stop and go, où on régule la liberté de mouvement (éventuellement région par région) en fonction du remplissage des lits en réanimation a l’apparence de la rationalité, mais en réalité son coût est probablement insupportable, car il annonce de nouveaux confinements dont la durée sera à nouveau de 6 semaines pour être efficace : combien de fois peut-on perdre 4 points de PIB et survivre ?

La seule sortie du confinement pleinement compatible avec l’activité économique est « à la coréenne » : les conditions pour sortir du confinement sont d’être testé, de porter un masque, de respecter les distances, d’accepter d’être tracé. À cette condition on gère la vague sur plus de 200 jours avec une activité économique presque normale. Il n’est pas besoin d’être aussi discipliné que les Coréens pour ce faire : leur système est presque trop efficace et il leur faudra un temps infini pour atteindre l’immunité naturelle. Ils risquent d’avoir le même problème que la Chine : si le reste du monde atteint l’immunité naturelle ils sont condamnés à l’isolement.

La Suède, et peut-être demain les Pays-Bas, voire l’Allemagne, pourraient offrir un moyen terme : mesures de ralentissement de la propagation, tests, isolement des personnes âgées et fragiles, et acceptation implicite du fait que ce n’est pas le scénario qui minimise le nombre des morts du Covid, mais que c’est celui qui minimise le nombre d’années de vie perdues entre le Covid et la dépression qui suivra (suicides, alcoolisme, conséquences sanitaires de la misère, du chômage, etc.). Cela paraît un choix pertinent.

 

Jean-Jacques*

Dirigeant d’entreprise

 

*Le prénom a été modifié

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