« La politique énergétique après les élections présidentielles : avancées et questions » par Pierre Papon

La politique énergétique après les élections présidentielles : avancées et questions

Le président Emmanuel Macron, avait indiqué, pendant la campagne électorale, que son action s’inscrirait dans le cadre de la loi sur la transition énergétique de 2015. La politique énergétique a été abordée par le Premier Ministre, Edouard Philippe, dans sa déclaration à l’Assemblée nationale le 4 juillet : – des crédits du futur Fonds d’investissement (50 milliards €) seront consacrés à la transition écologique (donc à l’énergie) – fin de l’attribution de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures (la ZEE est-elle concernée ?) – convergence de la fiscalité diesel-essence à la fin de la mandature – montée en puissance de la fiscalité carbone – achèvement des travaux d’efficacité énergétique sur les bâtiments dans les dix ans – nouveaux modes de mobilité associant les nouvelles technologies. En présentant le « Plan Climat », le 6 juillet, le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a précisé les choses : – nouvelle programmation pluriannuelle en 2018 – « neutralité » carbone de la France en 2050 (objectif au-delà de l’accord de Paris) avec 32% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique final en 2030 (objectif de la loi qu’elle n’est pas en voie d’atteindre) – augmenter de 40% la taxe carbone d’ici 2030 – 4 milliards € d’aides pour la rénovation thermique des logements et la fin de la précarité énergétique en 10 ans (objectifs bien au-delà de la loi, recadrage du crédit d’impôt, chèque énergie de 200 €/an en moyenne en 2019) – fin des centrales au charbon en 2022.

Nicolas Hulot a fixé un objectif très ambitieux pour la mobilité : « Nous visons la fin de la vente des voitures à essence et diesel d’ici 2040 ». Comment atteindre cet objectif? On ne peut y parvenir qu’en remplaçant les véhicules à moteur thermique par des véhicules totalement électriques (les voitures hybrides semblant dès lors exclues). Cette transition représente un redoutable défi technologique, industriel et économique que peu de pays se sont fixés (la Norvège envisage de l’atteindre dès 2025, le Royaume Uni et la Chine se sont aussi fixés l’objectif 2040). Plusieurs rapports récents ont été consacrés à l’avenir de la voiture électrique qui représente encore un marché de niche (100 000 voitures électriques vendues en Europe en 2016 et 27 000 en France), mais en progrès. Elle souffre encore de deux handicaps majeurs : son coût à l’achat demeure élevé (même avec une prime à l’achat au maximum de 10 000 € qui plafonnera à 8500 €), N. Hulot a annoncé de nouvelles aides aux ménages à faible revenu pour cet achat (ainsi qu’une nouvelle prime à la casse), et sa batterie a une autonomie limitée (150-400 km, pour la batterie lithium-ion, fonction de son poids) et coûte cher.

Le plan gouvernemental pose le problème de l’avenir de l’industrie automobile (200 000 emplois), de la production d’électricité (aucune précision pour le nucléaire) et celui du coût de la transition énergétique (France Stratégie a estimé qu’un parc français de 30 millions de véhicules tout électrique représenterait une consommation annuelle d’électricité de 90 TWh, soit 20% de la consommation totale, avec le point critique de la recharge des batteries aux heures de pointe). Il suppose une politique industrielle, notamment pour l’automobile et les batteries avec un grand effort de R&D (une alternative aux batteries lithium-ion). Pour faire sauter le verrou technico-industriel de la batterie une stratégie européenne s’impose, l’Europe étant distancée dans ce domaine par la Chine, les Etats-Unis, le Japon et la Corée. La fin des véhicules thermiques (les véhicules particuliers représentent 16 % des émissions de CO2) et toutes les mesures visant à éliminer la consommation d’énergies fossiles (notamment dans les bâtiments, cf. les propositions d’IAG) auront un impact indéniable sur le climat et la pollution atmosphérique, et allégeront la facture énergétique, mais une estimation du coût total des investissements publics et privés à réaliser et des mesures incitatives pour l’Etat reste à faire, il sera probablement élevé (en partie compensable par la taxe carbone). Les objectifs du gouvernement seront, probablement, difficiles à atteindre en 2040 (certains sont très au-delà de ceux de la loi). Le volontarisme politique est certes nécessaire pour assurer la transition énergétique mais il ne suffit pas.

Pierre Papon

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