Présidentielle 2017 : Rapport n°1 Compétitivité-Innovation-Emploi

Veuillez-trouver ci-dessous une synthèse du rapport sur la compétitivité, l’innovation et l’emploi que nous vous présentons dans le cadre de la contribution d’Inventer à Gauche en vue de la campagne présidentielle 2017. Cette synthèse est accompagnée de la version complète du rapport compétitivité-emploi-innovation.

 

La France ne manque pas d’atouts dans le monde de demain, mais il y a aussi bien nécessité qu’urgence à renouveler notre modèle de démocratie sociale afin de le rendre plus favorable à la création de richesses, à la croissance et à l’emploi, car le niveau de vie de la plupart de nos concitoyens est en train de stagner, voire de se réduire au fil des années, compromettant la survie de notre modèle social.

 

Les Français ont maintenant conscience que de nombreux changements en profondeur sont nécessaires dans le fonctionnement du modèle économique et social ; mais ils se rebiffent, parfois avec violence, à chaque réforme, car ils ne savent ni la portée exacte de la réforme présentée ni jusqu’où on veut les amener. Il est bien connu que les transformations en profondeur ne peuvent être acceptées, aussi bien dans les entreprises que dans la sphère publique, que si elles sont le fruit d’un diagnostic partagé et d’un débat sur les solutions possibles, et surtout si elles présentent une vision de l’avenir motivante pour tous. C’est ce qui a totalement été perdu de vue depuis plusieurs décennies dans un espace politique où l’habileté de la communication est devenue un principe premier de gouvernement.

 

Il faut renverser ces pratiques politiques gravement préjudiciables à la cohésion citoyenne. Notre but est de contribuer à un diagnostic partagé, de dresser les grands enjeux et de faire quelques propositions concrètes et urgentes dans le domaine de la compétitivité et de l’innovation, central pour retrouver le chemin d’une croissance profitant à tous.

 

Le PIB par habitant de la France reste dans la petite moyenne européenne, après avoir décroché régulièrement depuis une trentaine d’années par rapport à ses grands homologues de l’OCDE. La France se classe aujourd’hui, en termes de pouvoir d’achat, parmi les pays méditerranéens de l’Europe, c’est-à-dire ceux dont le PIB par habitant est le plus faible, alors qu’en 1980 elle était dans le peloton de tête européen. Il ne faut pas attendre des miracles de la conjoncture car la croissance actuelle est insuffisante pour permettre d’entamer significativement le chômage. La question des moteurs de la croissance est donc plus que jamais d’actualité.

Lorsque l’on examine la politique à suivre pour sortir la France de la quasi-stagnation et du chômage chronique, deux constats s’imposent :

  • Il faut trouver plus de croissance en regagnant des parts de marché à l’international. La plupart des programmes raisonnent comme si la France était une économie fermée – ce qui est pour le moins étrange pour un pays aussi ouvert que le nôtre. En effet, nous importons de l’étranger un quart de notre consommation globale ; plus encore, le ratio marginal de nos importations, c’est-à-dire la part importée de tout accroissement de consommation, est de 40%. Autrement dit, injecter 100 M€ de pouvoir d’achat ne se traduit pas, comme on le croit trop souvent, par autant d’activité supplémentaire chez nous, mais par 60 M€ seulement, le reste allant soutenir la croissance… de nos fournisseurs. Une relance n’a d’effet durable que si cet aspect est traité : alors que la détérioration de notre balance commerciale a, depuis douze ans, prélevé chaque année quelques dixièmes de points de PIB sur notre croissance, il faut renverser cette situation ;
  • Il est essentiel d’investir davantage, en priorisant les secteurs les plus innovants, seuls capables de nous faire retrouver de la compétitivité et de nous donner les gains de productivité qui nous permettront de croître plus rapidement tout en augmentant la masse salariale. Par exemple, notre pays est en retard dans la diffusion des TIC dans l’économie, alors que les bouleversements que va entraîner cette quatrième révolution industrielle restent encore à venir. Ils risquent de creuser un fossé entre d’une part les entreprises ainsi que les personnes qui s’y seront adaptées avec succès, et d’autre part les laissés-pour-compte du progrès technique.

 

Et pourtant, notre pays est également celui où les politiques publiques sont les plus fournies dans le domaine économique et industriel. C’est donc sur la logique et les moyens de l’action publique que doit porter désormais le débat.

La nostalgie des Trente Glorieuses empêche de voir le présent tel qu’il est, celui de l’économie entrepreneuriale, dans un monde où la matière première est formée des connaissances, des relations entre les agents économiques, d’anticipation des changements, et pour beaucoup de confiance et d’autonomie des acteurs de l’économie. Ce monde est celui d’un progrès technique rapide, mais aussi d’une formidable explosion des inégalités dans les pays avancés ou en rapide développement. Il nous impose de bâtir un colbertisme moderne et dynamique, car la puissance publique peut exercer une influence déterminante sur les écosystèmes de l’innovation, mais se doit d’en bien respecter les ressorts : en anticipant et en accompagnant les transformations profondes dans les entreprises, les nouveaux modèles de l’emploi, qui sont déjà en train de faire exploser les formes actuelles du travail ; en donnant le maximum de moyens d’action aux territoires, pour éviter de voir les meilleurs d’entre eux s’étouffer sous le poids des multiples bureaucraties nationales faute de vision collective affirmée et indispensable pour galvaniser les énergies, comme on a su le faire à Grenoble et comme c’est à l’œuvre aujourd’hui par exemple à Lyon ou en Aquitaine.

 

Dans ce monde nouveau, la France a d’évidents et réels atouts. La nation peut aborder cette formidable mutation la tête haute, en confiance, avec ses valeurs fondées sur l’éducation républicaine, son appareil exceptionnel de chercheurs, sa tradition de scientifiques et d’ingénieurs, ses médecins de haut niveau, motivés par l’altruisme et la bienveillance. La France peut réussir, sous une condition simple : se donner un but, travailler et le faire dans la durée et la persévérance. Faute de vision forte et d’un Etat organisé pour gérer le long terme, les multiples initiatives de l’Etat ne font finalement qu’aggraver la complexité et l’inefficacité d’un paysage public devenu totalement illisible et qui ne peut que rebuter nos jeunes entrepreneurs.

 

Nous nous devons donc de bien nous centrer sur les deux ressources essentielles de l’entreprise et de l’innovation que sont les hommes (et les femmes) et les capitaux propres. Réserver l’intervention de l’Etat central aux grandes filières technologiques et de compétitivité qui feront l’avenir de l’économie, celles qui demandent des choix onéreux et difficiles, pas une centaine de pôles de compétitivité, de filières ou autres ; et, pour le reste, encourager globalement le risque et l’initiative par des dispositifs incitatifs, notamment fiscaux.

 

C’est dans cet esprit que nous présentons nos propositions.

 

La croissance et le développement passent partout et toujours dans le long terme par le capital humain. Le capital humain concerne autant, sinon plus, la formation professionnelle et continue que la formation initiale et générale, comme le montrent nos voisins germaniques. Le prochain quinquennat doit être celui de l’amélioration des capacités professionnelles des jeunes, en développant sérieusement l’apprentissage, les filières professionnalisantes aussi bien dans le secondaire qu’à l’université. Il faut sérieusement s’interroger sur la manière de conduire une décentralisation du primaire et du secondaire et sur une autonomie la plus poussée possible des universités sous l’égide des régions. Un maximum de passerelles doivent être trouvées pour permettre aux jeunes d’avoir à la fois une formation en apprentissage ou une formation professionnelle et une bonne formation générale, et de passer avec facilité de l’une à l’autre. Par ailleurs, il faut impérativement revoir le système de formation professionnelle continue, trop centré sur les catégories supérieures et sur ceux qui bénéficient d’un emploi stable. C’est au contraire vers les exclus que ce système doit être réorienté. Notre candidat doit s’engager à imposer une restructuration en profondeur de ce système, sans ménager les positions acquises.

 

Les autorités publiques doivent offrir un cadre stable aux entrepreneurs, le maximum de simplicité dans leurs multiples démarches. Il y a là également une véritable révolution culturelle à accomplir ; hélas, le diagnostic fait par les experts montre bien que la simplification administrative, exigence politique incantatoire depuis 40 ans, reste encore à engager sérieusement dans les faits. La France est une championne de la complexité. Les lois se multiplient à l’envi, elles sont bavardes et souvent contradictoires. Le droit est instable. Il faut un engagement personnel du prochain candidat à l’élection présidentielle de supprimer au moins 5% voire 10% des textes chaque année de son mandat, avec une évaluation contradictoire et publique, si on ne veut pas voir se continuer leur multiplication sous l’effet conjoint de l’imagination des fonctionnaires, des élus (un problème, un texte) et des circonstances.

 

Il convient également de tourner le dos à la multiplication des organismes de soutien à l’économie de toutes natures financés sur ressources publiques, une marque distinctive de notre pays. À la longue, on a accrédité l’idée que l’innovation dépend principalement de l’action des autorités publiques, alors qu’elle passe d’abord par les entreprises et les initiatives privées. On ne compte plus les procédures nationales recensées, les agences et les directions compétentes des ministères en matière de recherche et d’innovation.

De même, l’articulation des niveaux géographiques de décision n’est toujours pas satisfaisante dans les domaines centraux du service public que sont l’éducation et la santé. Education et santé étouffent dans des organisations centralisées qui font remonter au niveau national les moindres problèmes. La solution est dans l’autonomie des Universités dans le cadre régional et dans la délégation de tâches sur le territoire comme réponses aux besoins de services de santé efficaces et permanents.

 

4° Il faut enfin réformer profondément notre système fiscal et social dans un sens d’encouragement systématique à l’investissement et à l’innovation. C’est pourquoi nous proposons : d’inciter plus fortement les entreprises à investir en modulant l’impôt sur les sociétés en faveur des investissements effectivement réalisés et de renforcer encore le dispositif d’amortissements accélérés (prop. 1 & 2) ; de doper le crédit d’impôt-innovation, qui s’est révélé, malgré ses défauts, un instrument très attractif, et de relancer les aides à l’innovation de la BPI (prop. 3 & 4) ; de renforcer l’accès aux fonds propres des entreprises petites et moyennes, notamment en encourageant le capital-risque et les « business angels » et en modulant la fiscalité de l’assurance-vie (prop. 5); d’accentuer les allègements de charges (qui ne doivent plus être concentrés, dans une vision à court terme, sur les seuls bas salaires) en remplaçant les cotisations familiales des entreprises par 2 points de TVA (prop. 6); et de lancer une tranche supplémentaire de 15 Milliards d’€ du PIA en en réservant la moitié au soutien des investissements des PME et ETI innovantes (prop. 7) .

 

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Au total, l’Etat doit retrouver le sens du long terme. La difficulté à gérer le long terme est en fait un renoncement devant les forces du marché. L’Etat, par soumission pas toujours involontaire, a cédé devant les forces incontrôlées des marchés mondiaux, de la finance internationale et désormais des médias, asservissant l’action publique au compassionnel de l’actualité. Les rares visions de l’avenir de notre pays sont présentées, d’une manière en général expéditive, à l’occasion des campagnes présidentielles, dans de rares moments d’ailleurs rapidement oubliés, une fois l’élection intervenue. Il convient donc, sans revenir à la planification des Trente Glorieuses, de restaurer une fonction de très haut niveau, de la confier à une personnalité reconnue et indépendante d’esprit comme a pu l’être un Paul Delouvrier ou l’est un Louis Gallois aujourd’hui. La mission première sera de débattre des enjeux de long terme, de faire émerger des options avec les mondes concernés (éducation, recherche), de veiller à la transformation progressive du pays, en un mot de retrouver le chemin de son avenir que la France a abandonné et qui manque cruellement aujourd’hui. Bref, un Etat énergique mais modeste et persévérant ; le projet n’est pas nouveau, mais tout reste à faire.

 

 

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