Hommage à Michel ROCARD par Philippe GIRARD

La victoire du Père

 

Parler de Michel Rocard, m’amène à mentionner une anecdote qui m’a beaucoup influencé sur mon approche de la politique. Le 10 mai 1991, un vendredi, j’avais rendez-vous avec Jean-Louis Bianco pour évoquer le projet d’accueillir l’équipe design d’ITER à Cadarache. Arrivé en avance, j’attendais dans le salon du premier étage. Quelques instants, Michel Rocard arrive et après s’être salué, on est resté chacun face à face sur nos canapés respectifs. L’attente silencieuse a duré plus de trente minutes, pendant lesquelles Michel Rocard a dû fumer plusieurs cigarettes,  avant qu’une secrétaire vienne informer Michel Rocard que le Président allait le recevoir avec Jean-Louis Bianco et que j’allais être reçu par un conseiller technique.  Trois jours après, Michel Rocard était remplacé par Edith Cresson.

 

Au-delà du fait de faire attendre un Premier Ministre en exercice pour lui annoncer qu’il allait être remercié, m’avait beaucoup surpris, c’est l’expression comportementale de Michel Rocard pendant ces trente minutes qui m’a beaucoup marqué.

 

Il savait probablement qu’il allait être remercié non pas pour avoir failli à sa tache mais uniquement par la volonté du Prince … et il avait l’air profondément désarmé, comme si son mode de pensée intellectuelle n’arrivait pas à comprendre les motivations d’une telle décision.

 

Michel Rocard avait fait jeune le choix des « sciences molles » plutôt que les « sciences dures » chères à son père, mais probablement son ADN intellectuel relevait des « sciences dures » et n’était pas capable de s’adapter au monde de la politique, avec son lot de calculs court-terme, de non résolution des problèmes, de trahissons, de renvois d’ascenseur  …  tout en mettant en avant bien sûr,  l’intérêt collectif (tout de suite ohblié), des valeurs (si peu respectées), etc.

L’hypocrisie comme le parler-faux sont, par exemple, incompatibles avec un ADN « sciences dures » et tout le monde connait le fameux parler-vrai de  Michel Rocard.

 

Ayant un ADN intellectuel « sciences dures » cet épisode du 10 mai 1991 m’a profondément marqué  et m’a convaincu que la politique, à la différence de la « chose publique », n’était pas un monde dans lequel je pouvais m’épanouir. J’ai certes apporté de temps en temps ma modeste contribution mais toujours en préservant une zone tampon … pour ne pas être contaminé.

Finalement Yves Rocard, son père, avait très probablement raison, Michel Rocard aurait dû se tourner vers les « sciences dures » plutôt que vers les sciences « molles ».  La « chose publique » y aurait certes beaucoup perdu. Reste à espérer que l’héritage de Michel Rocard induise progressivement une modification de la façon de faire la politique ….  Le rêve ne fait pourtant pas partie des « sciences dures » ….

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