Initiatives à Grenoble : l’entreprise et la souveraineté de l’Etat français, avec Jean Peyrelevade

Michel Destot vous fait partager un article publié dans son blog, suite à la conférence de Jean PEYRELEVADE organisée par le cercle de réflexion « Initiatives à Grenoble » qu’il préside.

1-SPIN7965-300x212« Jeudi, le cercle de réflexion « Initiatives à Grenoble » organisait une nouvelle conférence sur le thème de la place de l’entreprise dans la vie politique française, en présence de Jean PEYRELEVADE, ancien directeur adjoint du cabinet de Pierre MAUROY et dirigeant d’entreprise (Suez, Crédit Lyonnais).

Avant de se rendre à la Maison des Associations, j’ai a souhaité lui faire découvrir Clinatec, projet unique d’innovation, issu de la rencontre entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Nous avons été reçus par le professeur Alim-Louis BENABID, président du Directoire du Centre de recherche Clinatec et Thierry BOSC, Directeur adjoint en charge du mécénat de Clinatec et Directeur du Leti au sein du CEA. Je les en remercie sincèrement.

Faisant suite, la conférence mobilisa plus d’une centaine de personnes à la Maison des Associations. Jean PEYRELEVADE présenta dans un premier temps son dernier ouvrage,  « Histoire d’une névrose, la France et son économie ».  La démarche est particulièrement intéressante. Partant du constat que notre pays ne parvient pas à sortir de la croyance viscérale que l’État est le seul apte à diriger l’économie, il a recherché les racines historiques, religieuses, culturelles, de ce modèle français.

Le modèle historique monarchique est un modèle centralisé, dans lequel l’État gouverne tout. Par ailleurs, le monarque de l’époque est un guerrier et la France la nation la plus guerrière de toute l’Europe. Elle possède une économie de guerre et de puissance. En suivant la tradition, Colbert construit un modèle économique à la fois réglementé, protectionniste et au service des intérêts du souverain. La Révolution met à bas l’ordre féodal et remplace l’État monarchique par un État supposé incarner la souveraineté du peuple, mais qui reste centralisé et guerrier. Condorcet essaie en vain d’inscrire dans la Constitution de 1793, la liberté de commerce et d’industrie. Le grand personnage suivant, à savoir Napoléon, poursuit dans la voie économique du colbertisme pour les mêmes raisons. Puis, lors de la période de reconstruction, l’économie reste relativement médiocre sous la IIIème République. A l’orée de la Grande Guerre, la production de la France correspond à moins de la moitié de celle l’Allemagne.  La réincarnation de l’État, opérée avec talent et génie par le Général de Gaulle, se fait à nouveau dans une version nationaliste et souveraine de l’État.

La France n’est donc jamais sortie de ce modèle d’État souverain qui n’accepte pas, dans la société, l’existence de structures de pouvoir intermédiaires. Or, l’entreprise est une structure de pouvoir. La Constitution française réaffirme à plusieurs reprises dans son histoire et dans ses différentes versions que la souveraineté appartient tout entière au peuple. En France cela veut dire tout entière à l’État. Jean PEYRELEVADE  cite ainsi un arrêt de la Convention, daté de 1792, qui dit : « Quiconque essaie de créer un pouvoir sur quelque dénomination que ce soit, qui soit attentatoire à la souveraineté populaire, sera puni de mort ».

Donc l’idée que l’entreprise est le seul espace de création de richesse marchande est niée. L’endettement public serait donc devenu la solution pour s’y substituer. Or tant que l’on ne reconnaitra pas le rôle fondamental de l’entreprise dans la création de richesse, on sera dans le déni de réalité.

A la suite de cette belle démonstration, les questions de la salle se sont multipliées. Notamment sur les préconisations de réformes à engager en guise de premières solutions. Il faudrait probablement relire les théories de la défense des libertés. Il y a une liberté fondamentale manquante dans la constitution française, c’est la liberté contractuelle. Elle s’applique certes aux individus mais elle n’est pas reconnue pour les entreprises et les partenaires sociaux. Il faut donc faire évoluer la constitution. L’autre enjeu est de faire revivre le dialogue social en France et lui donner plus de contenu, afin d’améliorer notre système productif.

Après les rencontres avec Pascal Lamy, l’himalayiste François Damilano et Louis Gallois, ce fut un nouveau débat passionnant de grande qualité proposé par « Initiatives à Grenoble » qui vous donne rendez-vous désormais tous les mois ! »

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