PY. Cossé : « France Nation verte » : du Vert pâle

 

Ça y est. La Planification écologique est arrivée. La Première Ministre l’a annoncé solennellement  le 21 octobre en présentant « France Nation verte »  le « plan d’action de tous les Français qui permettra d’aller plus vite » L’emphase est au rendez-vous : « Les chemins seront affinés ( !) et crédibilisés au fur et à mesureavec la préoccupation de rehausser l’ambition »

 Un besoin de planification reconnu par beaucoup

D’aucuns étaient en attente considérant que la planification écologique serait la grande  affaire du second quinquennat. Le président candidat ne l’avait-il pas annoncé entre les deux tours ?  Au-delà de l’aspect électoral- la reprise d’une formule de Jean Luc Mélenchon en vue de séduire l’électorat écologiste- l’ écologie était reconnue de plus en plus comme une priorité dans les milieux . Le très libéral, Geoffroy Roux  de Bézieux, président du Medef, en est conscient « Une transition climatique, c’est un changement de monde et pour changer le monde, on a besoin que l’Etat nous guide » A propos de la planification écologique, il précise « Le mot ne fait pas peur » Cette position n’est pas isolée. Beaucoup d’autres chefs d’entreprise estiment que le  marché est impuissant en la circonstance et financent des études sur ce que pourrait être une  planification nouvelle et sélective.

Ainsi, a été élaboré le plan de transformation de l’économie française (Shift Project) sous la responsabilité de Marc Jancovici, avec deux objectifs, la décarbonation de l’économie française et le plein-emploi. Ce plan a l’ambition d’être « le cahier des charges de l’économie française » Les travaux,  soumis  à plusieurs relectures et à des discussions organisées, aboutissent à quinze programmes thématiques incluant les grands secteurs de l’économie (agriculture, industrie, automobile, l’énergie, fret, logement)  Cette approche d’ingénieur privilégie les variables physiques (litres, tonnes, main d’œuvre) et la décarbonation est obtenue ,notamment, par le développement de l’électrification impliquant une relance du nucléaire, une renonciation au gaz par l’ensemble des ménages, une mobilité plus sélective. Tous les secteurs sont  bouleversés, puisqu’il s’agit d’un système à changer, et toutes les composantes doivent être traitées simultanément. On peut regretter que de tels travaux n’aient pas eu lieu dans un cadre type Commissariat Général du Plan associant les partenaires économiques et sociaux, même si tous les matériaux sont récupérables.

L’approche de Jean Luc Mélenchon est décentralisée à l’extrême , jusqu’au niveau communal, et maximaliste. La « règle verte » soit « l’obligation de ne pas prélever sur la nature plus de ressources renouvelables que ce qu’elle peut reconstituer » ne saurait fonder dans l’immédiat une démarche planificatrice.

Des premiers indices prometteurs

De premiers indices faisaient espérer  que la planification écologique n’était pas simplement pour le Président un slogan électoral. Un Secrétaire Général à la Planification écologique, un ingénieur des Mines venant du cabinet présidentiel, Antoine Peillon, était nommé  en juin et placé auprès de la Première Ministre. Sa mission n’était pas précisée, le président indiquant qu’un délai était nécessaire, car il s’agissait d’une novation institutionnelle. On pouvait penser qu’il serait l’homme clé du nouveau dispositif. A la Réunion du MEDEF, le 29 aout, la Première Ministre, laissait entrevoir l’ambition du projet : « Nous allons travailler par secteur en rassemblant toutes les parties prenantes  autour des ministres compétents. Chaque secteur aura des objectifs de baisse d’émissions à effets de serre et d’adaptation au changement climatique. Il devra définir une liste d’actons, un calendrier, et les moyens à mobiliser »  Ce schéma ambitieux  semblait proche du Shift Project de Marc Jancovici.

Nation France Verte  n’est pas  de la planification 

La « France Nation-Verte » d’Octobre 2022 est une opération modeste. Si l’objectif n’a pas changé « réduire les effets de serre de 55% d’ici à 2030 et atteindre à la neutralité carbone d’ici 2050, cette «  planification »  consiste à mettre en œuvre ce qui déjà été décidé en coordonnant mieux et en associant davantage les acteurs principaux et les citoyens, dans le souci d’aller plus vite. La somme d’actions à réaliser  est présentée à partir de six thématiques déployées en vingt- deux chantiers opérationnels (mieux produire, mieux consommer, mieux se déplacer, mieux se protéger, mieux se loger…) et de sept chantiers transversaux. Chaque chantier sera piloté au travers d’indicateurs pertinents, trois seront lancés en novembre. 

Les interrogations sont multiples.

D’abord sur la méthode. Le point de départ de toute planification stratégique est un état des lieux, qui précède l’énoncé des objectifs et des mesures. Ici l’état des lieux  est postérieur. Un premier état sera présenté en début d’année 2023. Il sera partagé avec les partenaires économiques et sociaux, alors que la plupart des mesures sont déjà connues et chiffrées.

Puis sur la gouvernance. Cette « planification » est ministérielle. Les ministres, sont chargés de la mise en œuvre des actions dans leur domaine de compétence, en concertation , notamment, avec les territoires. L’expérience montre que rares sont les ministres qui se préoccupent du moyen terme, accaparés qu’ils sont par la gestion au jour le jour. Il existe deux ministres plus spécialisés, le ministre  de la transition écologique et de la cohésion des territoires (fort discret et apparemment peu motivé ) à vocation e synthèse et la ministre de la transition énergétique. Tous sont coordonnés par le Secrétaire Général à la planification écologique, un homme de cabinet qui n’a pas  l’autorité personnelle et technique, pour assurer la cohérence d’un système qu’il faut inventer. Il est, de fait, le conseiller technique spécialisé, entouré de quelques experts, au cabinet de la Première Ministre, qui sera, en dépit de ses innombrables tâches, la patronne de la « planification écologique » Bien sûr pourront être associés des organismes, traitant également du moyen -terme et rattachés à Matignon, France- Stratégie et le Haut-Commissaire au Plan (oui, il existe…) France, nation verte n’aura pas été l’occasion de simplifier les structures administratives déjà nombreuses traitant du moyen terme mais ajoute une couche de complexité.

Enfin, sur le financement. Pas de financements nouveaux.  La ressource, c’est le plan France 2030 de trente milliards, annoncé par Emmanuel Macron en 2021 et axé sur la réindustrialisation. S’y ajoute un reliquat  non engagé de la quatrième tranche du Programme d’investissement d’avenir ( Juppé/Rocard) soit cinq milliards. Intervient un personnage nouveau , le Commissaire à l’Investissement. Ces trente-cinq milliards ne sont pas isolés sur le plan budgétaire et seront soumis aux aléas des lois de finances ; Le Parlement n’aura probablement pas à en connaître de façon globale.

Au stade actuel, France Nation Verte est une nouvelle manière de présenter l’ensemble des mesures décidées ou envisagées pour accélérer et coordonner la transition écologique. 

Les « confidences «  d’Emmanuel Macron

Le sujet ne passionne pas Emmanuel Macron. Il n’a pas été abordé dans son heure économique sur France 2. 

S’il avait été interrogé par la journaliste, il aurait pu répondre :

       « La planification écologique, c’est moi. Sans attendre le début de mon second quinquennat, j‘ai défini, avec mon Secrétaire Général, les grandes orientations dans le plan 2030. Il n’y a plus qu’à l’appliquer avec les compléments que j’ apporterai compte tenu des exigences écologiques croissantes. Point besoin d’un Grand Commissariat où de prétendus experts pourraient contester mes choix techniques ( l’hydrogène, la fusion nucléaire…) et où mes opposants de tout acabit disposeraient d’une tribune supplémentaire pour me critiquer jour et nuit. Comme disait un de mes prédécesseurs : ces machins-là, c’est le moyen le plus sûr pour se faire  donner des coups de pied dans le cul. Quant au Parlement, le moyen-terme, c’est trop sérieux pour eux et  pour les citoyens, c’est trop compliqué. Les entreprises, je ne veux pas les enmerder davantage. Je dois être libre de changer les orientations et les mesures si je le juge utile. Le dispositif annoncé  me va, ce n’est pas de la planification. Mes ministres  seront les principaux acteurs, sous la double surveillance d’un ancien collaborateur et de ma fidèle Première Ministre. Et les ministres, cela se change. Reste le problème du financement, il  est sans solution avouable dans l’état de nos finances publiques.

 En cinquième République, le seul Planificateur, c’est le Président»

Pierre-Yves Cossé

Octobre 2022

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