A la suite du recul du gouvernement sur l’article du projet de loi sur l’extension de la déchéance de la nationalité, vous trouverez en pièce jointe la tribune de Michel Destot publiée le mardi 15 mars dans le journal Libération.
Après 8 mois de débats attisant les peurs et opposant les citoyens entre eux, le Gouvernement et la majorité présidentielle ont finalement retiré l’article du projet de loi sur l’extension de la déchéance de nationalité. Il était temps ! Il apparaissait pourtant évident, dès le départ, que le législateur n’avait pas vocation à créer des catégories de sous-citoyens, la République ne pouvant le tolérer en son sein.
C’est donc une véritable fin de non recevoir pour le tristement célèbre discours prononcé par le Président de la République à Grenoble, ville dont la richesse est justement liée à la diversité multiculturelle de sa population. Député-Maire de cette ville, je veux rappeler que les Grenobloises et Grenoblois ont été profondément choqués et blessés de voir le nom de leur ville associé à ce discours stigmatisant et à cette mesure de déchéance de nationalité indigne de notre République.
Grenoble, à l’origine des Etats généraux du Dauphiné annonçant dès 1788 la Révolution française, « Capitale des Maquis » pendant la 2eme guerre mondiale, ville faite Compagnon de la Libération par le Général de Gaulle en 1944, ville de Pierre Mendès-France et d’Hubert Dubedout, méritait décidément mieux !
L’extension des motifs de déchéance de la nationalité était d’autant plus incompréhensible qu’au-delà de l’illégitimité et de l’inefficacité de la disposition, elle constituait une rupture d’égalité entre citoyens français: contraire à notre Constitution, contraire à notre pacte républicain !
Si le Gouvernement avait réellement souhaité combattre efficacement les atteintes physiques portées aux personnes dépositaires de l’autorité publique – atteintes que nous ne pouvons que condamner avec la plus grande fermeté – il aurait dû donner aux policiers, aux gendarmes et aux magistrats les moyens humains et matériels d’appliquer l’important arsenal juridique déjà existant. Au lieu de cela, il a tenté de faire adopter des mesures législatives aussi absurdes qu’irréalistes et inapplicables.
Mais plus encore, dans la période de crise que nous connaissons, il est irresponsable de jouer des peurs et d’agiter des tensions, de diviser au lieu de rassembler, de pointer l’autre du doigt au lieu de montrer les voies et les moyens d’un avenir partagé. Dans notre pays aujourd’hui marqué par un véritable délitement du lien social, la responsabilité du Gouvernement devrait au contraire être de rassembler tous nos concitoyens, quelle que soit leur origine, leur religion, leur couleur de peau ou leur profession pour redonner tout son sens « au vivre ensemble et à l’agir ensemble ».
Si la raison et l’éthique l’ont finalement emporté à la dernière minute, faute de majorité au Parlement, le mal s’est installé dans notre pays. Et je crains que nous ne soyons pas au bout de nos peines avec le débat annoncé sur la place de l’islam, débat aux menaces malheureusement prévisibles pour la cohésion sociale. Débat initié pour des visés électoralistes pour le moins dangereuses et qui de surcroît cherche à masquer les échecs répétés de la politique sécuritaire et migratoire menée depuis 2002. Débat qui élude les nécessaires réponses à apporter aux problèmes économiques et sociaux, au premier rang desquels le chômage et le mal logement, auxquels sont confrontés nos concitoyens.
Michel Destot
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