Retour sur la session de printemps de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN

Delegation_francaise

La délégation française

La session de printemps de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN s’est tenue du 15 au 18 mai à Budapest.

Budapest est la capitale de la Hongrie avec près de 2 millions d’habitants sur les 10 millions que compte le pays.

Le pays, qui connaît une certaine décroissance démographique, s’est dotée en 2012 d’une nouvelle constitution, plusieurs fois révisée, suscitant de la part des instances de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe des interrogations quant au respect des valeurs de l’Europe et de l’Etat de droit, en particulier sur l’équilibre des pouvoirs au sein de l’Etat (réformes de la justice et de la Banque centrale hongroise, lois sur les Églises, sur les médias…).

Le Conseil des droits de l’homme ainsi que le rapporteur spécial de l’ONU pour le racisme ont appelé en 2011 le gouvernement de M. Orban à traduire les obligations internationales hongroises en engagements nationaux effectifs.

On sait notamment que la moitié des Roms de Hongrie est en situation d’extrême pauvreté, et la communauté est sur-représentée au sein de la population carcérale. Le sentiment anti-Rom est exploité par le parti d’extrême droite Jobbik. Sa montée en puissance électorale s’accompagne de campagnes d’intimidation par les milices extrémistes, particulièrement dans le Nord du pays.

Au plan économique, la Hongrie est sortie de récession en 2013. Ses fragilités pourtant demeurent: faiblesse de l’investissement des entreprises, absence de marge de manœuvre budgétaire du gouvernement pour financer les réformes structurelles, contrainte financière externe forte…

La Hongrie souffre par ailleurs d’une situation énergétique vulnérable. Le pays importe 62% de sa consommation d’énergies fossiles, dont 82% du gaz naturel en provenance de Russie. Elle s’oriente vers un doublement de sa capacité nucléaire actuelle, se tournant là encore vers la Russie et Rosatom.

Parlement_Budapest

Le Parlement hongrois

Le lien entre politique étrangère et politique intérieure est très fort pour le gouvernement de M. Orban, compte-tenu de la présence de minorités hongroises en Roumanie, Slovaquie, Serbie et Ukraine, qui représentent un poids important dans le corps électoral.

La Hongrie a l’ambition de devenir un carrefour logistique et une porte d’accès au marché européen pour la Chine et la Russie. Avec cette dernière, elle maintient une relation pragmatique, en raison de sa forte dépendance énergétique.

Cependant la Hongrie se veut un allié fidèle des États-Unis, en qui elle voit le meilleur garant de la sécurité européenne. Elle est devenue membre de l’OTAN en 1999 et s’est engagée à ce titre sur plusieurs théâtres extérieurs, notamment en Afghanistan.

Membre de la commission politique de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, Michel Destot est intervenu lors de ce week-end sur le rapport de M. Kalnins, député letton, concernant la Russie et la sécurité euro-atlantique.

La conclusion du rapport souligne la nécessité de l’unité et de la fermeté de l’Alliance. Il a tenu à ajouter le nécessaire engagement de l’Union Européenne, au premier rang pour les sanctions économiques et la sécurité énergétique. Et cela sans couper les canaux du dialogue, en évitant toute escalade et en respectant les règles du droit international.

Il s’est interrogé à ce sujet sur la perception par nos opinions publiques des objectifs fixés et des mesures décidées.

Concernant en particulier les Alliés riverains de la Baltique et de la Mer Noire, des mesures de réassurance à la fois aériennes, maritimes et terrestres ont été mises en place. La France, par exemple, a envoyé des avions, des navires et même des blindés, comme c’est le cas pour la Pologne. Mais est-ce que cela a rassuré les opinions publiques, au-delà de la perception qu’en a la classe politique ?

Il est utile aussi de mieux cerner les raisons pour lesquelles la Russie considère comme faibles les pays occidentaux, au-delà du fait structurel que les pays à tendance autoritaire ont toujours le sentiment que les pays parlementaires, libéraux et démocratiques sont mous.

Le rapport mentionne la réaction face à la crise géorgienne de 2008. Mais plus récemment, il est permis de se demander s’il n’y a pas une interprétation de la part des Russes du flottement occidental en Syrie comme un signe de faiblesse ?

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Michael Turner, président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN

Tout cela ne doit pas dispenser de réfléchir à la façon de surmonter le paradoxe russe qui consiste à vouloir être traité comme un grand pays, ce qu’il est, et à agir avec les procédés que l’on connaît. Comment se tourner vers l’avenir et aider à tirer ce pays vers le haut en soulignant les formidables opportunités qu’offrirait une réelle coopération ouverte à des politiques beaucoup plus confortables et beaucoup moins coûteuses pour les Russes ?

En outre, ces sessions de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN constituent toujours l’occasion de s’interroger sur l’importance, l’utilité et la pertinence de cette organisation du monde occidental.

La visite à Paris le 2 mars dernier de M. Jens Stoltenberg, ancien Premier ministre norvégien et nouveau Secrétaire général de l’OTAN a été l’occasion de valoriser la vision française, équilibrée, des principaux défis auxquels l’Alliance est confrontée (Russie, Ukraine, Flanc Sud) comme l’approche réaliste des réponses que l’OTAN peut y apporter. M. Stoltenberg, qui a participé à la marche de Paris du 11 janvier suite aux attentats est pleinement conscient des contraintes nationales qui pèsent sur nous et des engagements opérationnels qui en découlent (bande sahélien-saharienne en particulier), dont il reconnaît volontiers qu’ils contribuent à la sécurité de l’Alliance.

Même si l’OTAN a perdu de son importance, notamment en matière d’intervention, les États-Unis n’ont pas perdu la main. Ils continuent de jouer un rôle majeur dans l‘organisation : premier contributeur (avec près de 7000 membres du personnels) à la mission « Resolute Support » et deuxième contributeur à la KFOR (715 personnels déployés), contributeur essentiel aux mesures de réassurance dans le cadre de la crise russo-ukrainienne…

Pour autant, face aux violations de cessez-le-feu en Ukraine, les alliés restent partagés sur les intentions de Moscou. Si pour le général Philip Breedlove, commandant suprême des forces de l’OTAN, la principale préoccupation reste « la Russie revancharde », l’opinion commune au sein de l’Alliance est que le dernier accord de Minsk à permis une certaine accalmie du conflit et que le cessez-le-feu tient tant bien que mal. À vrai dire, l’OTAN n’est pas aveugle dans la crise qui secoue l’Est de l’Ukraine, mais ses capacités sont très limitées et actuellement, aucune réforme au sein de l’OTAN n’a été entreprise quant au partage du renseignement ou de son analyse.

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Salle de travail dans le Parlement

De même, l’OTAN, qui est une alliance militaire, a un rôle limité en matière de lutte contre le terrorisme. La France s’est d’ailleurs opposée à la militarisation de la réponse opérationnelle de l’OTAN au problème des combattants étrangers (ex : frappes de drones).

Est-ce une opportunité pour la création d’une armée européenne?

Le ballon d’essai de Jean-Claude Juncker sur une future armée européenne apparaît à beaucoup comme une chimère, une caricature même pour les Britanniques. Les Européens se sont déjà cassé les dents sur l’Union de l’Europe occidentale, la Communauté européenne de défense, les plans Fouchet, le trio germano-franco-britannique, le pilier européen dans l’Alliance atlantique…

Pourtant une armée européenne est bel et bien une nécessité. Il en va de la pertinence et de la crédibilité de l’Europe, refusant de s’en tenir au slogan de Mark Eyskens, ancien ministre belge des Affaires étrangères qui avait comparé l’Europe à « un géant économique, un nain politique et un ver de terre militaire ».

Les citoyens attendent cette Armée commune, creuset de la solidarité européenne et gage de sécurité et de crédibilité pour l’Europe dans le monde.

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