L’année 2020 est annoncée partout comme une année capitale pour la lutte contre le réchauffement climatique et la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat signé 5 ans auparavant. Pour une fois il est légitime de dire qu’il ne s’agit pas d’un énième cri d’alarme parmi tant d’autres mais bien d’un tournant que la communauté internationale doit savoir prendre. Les publications scientifiques récentes convergent avec la perception que nous avons au quotidien de ce dérèglement et de ses conséquences ; elles imposent de tout mettre en œuvre pour faire de cette année 2020 la charnière décisive d’un véritable changement de cap.
Pour cela trois grandes dimensions doivent être prises en compte.
Faire monter tout le monde à bord dans la définition des objectifs.
En 2020 les Etats doivent indiquer quels engagements supplémentaires ils prennent pour se rapprocher au maximum de l’objectif de l’accord de Paris, soit « nettement en dessous de 2°C » de réchauffement de la planète. Or à ce jour très peu l’ont fait et encore plus grave, très peu ont essayé d’intégrer dans ses engagements tous les acteurs, étatiques et non-étatiques. Chacun mesure notamment dans les grands pays développés et souvent très décentralisés, l’ineptie d’une telle démarche puisque une très large part des émissions de gaz à effet de serre et des efforts pour les réduire dépendent d’acteurs non-étatiques notamment les grandes collectivités territoriales. Cette forme de concertation doit également se faire au niveau des stratégies nationales de mise en œuvre de ses engagements. La France est de ce point de vue un très mauvais exemple mais bien caricatural. D’un côté le président de la République met en place une conférence citoyenne à grand renfort de communication qui certes peut permettre une certaine acculturation de l’opinion publique mais qui n’est en rien représentative des acteurs essentiels des pollutions et de la lutte contre cette pollution. D’un autre côté, le gouvernement établit une Stratégie Nationale Bas Carbone dans une démarche extrêmement centralisée et particulièrement opaque. C’est l’inverse qu’il faut faire en réunissant tous les acteurs d’une stratégie de ce type et en élaborant avec eux les voies et moyens de sa mise en œuvre y compris par la communication de masse et l’éducation qui restent les meilleurs outils pour associer un maximum d’acteurs à la lutte contre les gaz à effet de serre.
Mettre réellement en œuvre les engagements.
Tous ceux qui participent de près ou de loin à ce que beaucoup appellent le « grand Barnum mondial du climat » peuvent relever que l’essentiel de ses sommets, COP, « One Planet Summit » etc. débouchent sur des annonces mirobolantes et des promesses d’engagement, qui rappellent cette belle formule « ils n’engagent » que ceux qui les écoutent.
Il est temps de passer aux choses concrètes seules susceptibles d’être efficaces et d’éviter le « Green washing ». Pour cela nous proposons (malheureusement depuis 2015 sans succès mais il n’est jamais trop tard pour bien faire) une démarche qui s’articule autour de deux outils complémentaires. D’une part des coalitions thématiques regroupant le plus largement possible tant au niveau géographique qu’au niveau des acteurs concernés tous ceux qui se rattachent à une logique principalement sectorielle. Le secteur de la mobilité commence à se structurer autour de cette notion et c’est cela qu’il faut poursuivre. Ces coalitions doivent dans le même temps se doter de « feuilles de route » extrêmement précises déclinant leurs objectifs de moyen et court terme ainsi que les étapes pour les atteindre et les acteurs qui s’engagent sur chacune de ces étapes.
En complément de cette concrétisation des objectifs aujourd’hui beaucoup trop globaux la communauté internationale doit se doter d’outils d’évaluation du sérieux de ses engagements et de leur réalisation. Des efforts ont déjà été entrepris par des structures de type universitaires scientifiques ou associatives mais ils restent encore trop parcellaires et peu convergents. Pour aller au-delà et rendre ses combats crédibles nous suggérons d’étendre le rôle du GIEC à ce nécessaire monitoring. Il a acquis la crédibilité et la renommée nécessaires pour que personne ne puisse contester ses évaluations.
Apporter les financements nécessaires.
L’argent reste pour une large part le nerf de la guerre pour le climat. Nous suggérons trois dimensions complémentaires qui doivent être mise en œuvre.
Tout d’abord il convient bien sûr d’assurer des financements complémentaires à la hauteur des engagements pris à Paris qui ne sont aujourd’hui d’après les meilleures estimations atteints qu’à hauteur de 50 % notamment dans l’effort en direction des pays du Sud et avec comme grand absent le combat pour l’adaptation. Chacun sait pourtant que ceci ne sera pas suffisant et que des financements complémentaires doivent être trouvés. Ce qui a été indiqué dans le « pacte finance climat » montre l’enjeu d’atteindre les fameux 1000 milliards de crédit à l’échelle de l’Europe par exemple.
Mais l’essentiel est peut-être ailleurs dans la capacité de tous à réorienter les financements actuels en matière d’énergie notamment. Deux exemples suffisent à montrer le chemin. Les estimations les plus favorables montrent que pour un dollar dépensé pour les énergies renouvelables il y en a au moins 10 de dépensés à l’échelle mondiale pour subventionner les énergies fossiles. C’est inacceptable et les Etats aussi bien que les institutions financières doivent mettre leurs actions en cohérence avec les engagements proclamés. La communauté internationale et tous les acteurs non-étatiques doivent être les témoins vigilants de ce changement de paradigme financier. De même le fameux « Green Deal » européen devra être observé d’extrêmement prêt pour vérifier qu’outre quelques crédits additionnels encore trop faibles il s’agit bien d’une conversion radicale de financements par exemple sur l’agriculture la mobilité ou la recherche et pas seulement d’un habillage.
* Enfin il s’agit de mettre en œuvre ses financements au bon niveau. Parallèlement au caractère beaucoup trop étatique des engagements pris lors de l’accord de Paris, on observe toujours une extraordinaire réticence à décentraliser les financements pour les mettre en œuvre. Ceci est clairement inacceptable et inefficace. Qu’il s’agisse du logement, des transports, de l’agriculture ou de la planification urbaine par exemple, on observe même dans les pays les plus centralisés, pour ne pas dire autoritaires, que leur mise en œuvre relève très largement d’échelons très décentralisés ou d’acteurs non-étatiques voire d’actions individuelles. Il faut donc changer de méthode et de réglementation. Nous pensons principalement aux grandes institutions financières internationales, banque de développement et autres, qui n’ont pas encore fait cette révolution et doivent impérativement permettre un accès direct au « financement vert » des acteurs non-étatiques en maintenant bien sûr un haut niveau d’exigences sur leur réalisation et leur évaluation.
Comment imaginer franchir une nouvelle étape en 2020 si l’on en reste à des problématiques uniquement interétatiques dans lesquelles trop souvent le rôle de la société civile est soit décoratif soit purement revendicatif ce qui est évidemment nécessaire mais tout à fait insuffisant.
Bernard Soulage, membre du bureau d’IAG
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