Robert Chapuis : La politique de l’éducation

Note IAG sur :
La politique de l’éducation

Les structures scolaires mises en place dans les années 1950 craquent de toute part. Une « réforme » est évidemment indispensable. Elle implique une mobilisation des principaux acteurs : Etat, opinion, enseignants, parents, étudiants… Le ministre actuel, Jean-Michel Blanquer, a voulu jouer avant tout sur l’opinion. D’abord par des mesures d’apaisement : renvoi de la question des rythmes scolaires aux communes, maintien des classes bilingues et européennes, dédoublement des classes de CP, etc. S’est ajoutée ensuite la loi sur « l’école de la confiance », avec l’obligation scolaire à partir de 3 ans (c’était le cas de 95% des enfants), les évaluations à différentes étapes de la scolarité (un instrument de mesure et de comparaison), la poursuite du dédoublement (vers le CE), la priorité au primaire (insistance sur les fondamentaux : lire, écrire, compter…), une formation des maîtres plus proche de la pratique, etc. Le rapprochement entre l’école et le collège est resté très flou : la définition de cycles de l’école fondamentale (du CP à la 3ème ), mise en place par l’ancien DGESCO Jean-Paul Delahaye, n’a pas été poursuivie ni valorisée. La tentative de regrouper écoles et collège sous l’autorité du principal a échoué. Le collège reste un petit lycée, avec un risque de décrochage progressif des élèves.
Le décalage persiste entre le statut et la formation des professeurs des écoles et des enseignants du collège, avec une priorité disciplinaire pour ces derniers. Pour les élèves, l’orientation en fin de 3ème est encore de l’ordre du triage, sans véritable accompagnement. Le choix est le plus souvent entre une seconde générale et un enseignement professionnel. Or ce dernier est dévalorisé au profit de l’apprentissage, tandis que l’enseignement technologique, déjà bien réformé, se rapproche de l’enseignement général, avec les IUT en perspective. Il manque un enseignement professionnel qui se caractériserait par la pédagogie et pas seulement par la spécialisation.
La jonction entre le secondaire et le supérieur est un enjeu essentiel dans un enseignement démocratisé, un enjeu de civilisation dans une période marquée par la révolution numérique et ses conséquences sur la nature du travail et des métiers. Parcoursup a amélioré l’orientation formelle. Pour une orientation réelle, il faut une réforme profonde du lycée et du baccalauréat : elle a été lancée sur la base du rapport Mathiot (un homme de gauche). Elle est en cours et suppose une mobilisation de tous les acteurs. Elle est difficile, car le ministre a davantage cherché la confiance de l’opinion que celle des enseignants, pourtant indispensable. La négociation manquée en 1988-89 (rénovation/revalorisation) devra être relancée. Il importe aussi de préciser le rôle des chefs d’établissement qui ont besoin d’une plus grande autonomie tant dans le recrutement des enseignants que dans le mode d’organisation des études. Un bilan de la réforme devra être fait en 2022.
La réforme doit être poursuivie au-delà du baccalauréat (on parle du cycle bacc-3/ bacc+3). Il faut faire évoluer les structures et la pédagogie entre l’actuel second cycle du secondaire et le premier cycle du supérieur, celui de la licence. Le fossé reste considérable entre les deux : nature des enseignements et statut des enseignants, contenu des disciplines, modes d’organisation, suivi des études (avec les réorientations éventuelles… Ce chantier demande des maîtres d’œuvre actifs et compétents : ce sont les recteurs dont la responsabilité est au cœur de l’interface entre secondaire et supérieur. Il faut aussi que les structures universitaires évoluent, dans le respect de l’autonomie des établissements. La distance s’est accrue entre des grandes écoles qui sélectionnent leurs étudiants, en leur demandant de plus en plus de financer eux-mêmes leurs études, et des formations universitaires largement ouvertes, mais mal financées. La réforme engagée pour les études médicales semble positive. Il faudra du temps pour en voir les résultats. Elle implique un accompagnement par des formations adjacentes (secteur social, médical et paramédical) qui proposent de vraies qualifications. On peut sans doute s’en inspirer pour d’autres secteurs de l’université. La recherche est une des fonctions de l’Université. Elle permet l’évolution des formations proposées et doit trouver sa place dans la politique globale de la recherche (présentée par ailleurs). Elle doit déboucher sur une véritable insertion professionnelle (cf. le cas des doctorants). Concernant la formation des maîtres, la réforme sera positive à condition qu’elle soit conduite avec pertinence et détermination : équilibre entre les savoirs et la pratique, suivi sur trois ans, référentiels évolutifs, etc… Elle suppose aussi une évolution des carrières, dans l’école fondamentale d’une part, dans le cycle secondaire/supérieur d’autre part. Il faut lutter contre l’échec scolaire, mais aussi contre l’échec universitaire. Il importe de mettre en place des dispositifs d’accompagnement pour les étudiants en difficulté (réorientation, soutien financier, aide psychologique…) : la suppression de la sécurité sociale étudiante doit être compensée par d’autres formes de solidarité (voir jadis le rôle des BAPU).
La dimension internationale, notamment européenne, doit être fortement intégrée dans notre système universitaire. Erasmus ne suffit pas : il n’est pas structurant. Enfin il faut insister une fois de plus sur l’importance de la formation continue. La mise en œuvre du contrat personnel de formation doit être accompagnée par le développement d’une offre universitaire suffisamment diversifiée et pertinente, diplômante ou non. C’est ainsi que se rétablira une plus grande confiance dans notre système de formation. Plus largement cette confiance doit se retrouver à l’intérieur du système : des enseignants mieux formés, mieux rémunérés, plus motivés seront porteurs des changements que nécessite l’évolution de nos sociétés. Une stratégie de communication n’y suffira pas.

Robert Chapuis
Membre du bureau IAG (Inventer à Gauche)

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