Assemblée générale de IAG : rapport de Jean-Claude Prager

Prager

Crédit photo : Luc Benevello – La Fabrique de la Cité

La situation économique à la fin 2015 et les perspectives 2016

1.La modération de la reprise mondiale

Les diagnostics sur les perspectives de l’économie mondiale en 2016 sont contrastés mais convergent autour d’un affaiblissement de la reprise mondiale en 2016 par rapport à ce qui était prévu il y a quelques mois : le taux de croissance du PIB mondial devrait se situer dans une fourchette de 3,1% à 3,6% en 2016 selon les différentes prévisions faites à la fin de l’année 2015. Les estimations pour 2015 sont dans une fourchette de 2,9% à 3,2% en 2015, en dessous de sa moyenne de 3,3% entre 2012 et 2015. La prévision du rapport économique du PLF de 2016 est de 3,6% dans la partie haute de la fourchette de 2016.

Cette incertitude sur le niveau de la reprise est due à plusieurs facteurs :

  • l’impact du ralentissement majeur de la croissance chinoise, tombé d’une moyenne de 10% jusqu’en 2011 à environ 7% en 2015, liée à l’augmentation des salaires, la remontée du yuan (de 6,8 dollars en 2010 à 6,2 en 2015 –nouvelle baisse possible en 2016), et la stabilisation du marché immobilier ;
  • ses effets sur le commerce mondial qui devrait connaître une poursuite de sa contraction (le taux de croissance annuel du commerce international a décru régulièrement depuis la fin du siècle dernier, passant de 7,7% en moyenne à 3,6% sur 2010-2015) ainsi qu’une intensification de la concurrence du fait des surcapacités de production actuelles sur les matières premières et sur la production manufacturière chinoise, renforçant l’orientation à la baisse des prix mondiaux ;
  • les conséquences sur l’économie américaine et mondiale de la remontée des taux américains, au demeurant prévisible du fait de la rentrée du pays dans une zone de tensions inflationnistes possibles (indice des prix aux alentours de 1,5-2%, taux de chômage à 5,1%, au niveau du NAIRU, et croissance effective à plus de 2,5% et prévue en 2016 à 2,8%) ;
  • la difficulté des pays avancés à prendre le relai des émergents et de la croissance US : la zone euro reste anémique malgré la politique accommodante de la BCE (qui a encore des marges de manœuvre en termes de quantitative easing car elle en est encore à 5% du PIB contre 20 à 25% du PIB aux US et UK), et un certain ralentissement est attendu pour l’économie britannique après le boom des années 2014 et 2015.

Croissance annuelle du PIB (bases de données FMI)

FMI 2000-2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Brésil 3,4 3,9 1,8 2,7 0,1 -3,0 -1,0
Chine 10,3 9,5 7,7 7,7 7,3 6,8 6,3
Inde 6,9 6,6 5,1 6,9 7,3 7,3 7,5
Russie 5,5 4,3 3,4 1,3 0,6 -3,8 -0,6
France 1,4 2,1 0,2 0,7 0,2 1,2 1,5
Allemagne 0,8 3,7 0,6 0,4 1,6 1,5 1,6
UK 1,9 1,6 0,7 1,7 3,0 2,5 2,2
US 1,8 1,6 2,2 1,5 2,4 2,6 2,8
  1. En France, la reprise peine à s’affermir

L’économie française peine à décoller après l’anémie de 2014 et la petite reprise de 2015 qui a connu un taux de croissance à 1,1-1,2% en 2015. Il faut rappeler que cette faiblesse ne vient qu’amplifier les effets de la croissance désastreuse constatée depuis la sortie de crise en 2010, malgré le sursaut de 2011.

Ces tendances sont à l’image de la zone euro dans son ensemble qui connaît cependant des situations contrastées selon les pays ; en effet, au cours des deux dernières années, l’Allemagne a renoué plus tôt avec la croissance.

Les perspectives pour 2016 sont celles d’une confirmation d’une légère accélération de la croissance française : on devrait passer de 1,2% cette année à 1,4/1,6% voire même à 1,8% pour les plus optimistes en 2016; le PLF a retenu une hypothèse de 1,5%, dans une moyenne raisonnablement optimiste.

La plupart des indicateurs de conjoncture de l’INSEE vont dans ce sens d’une reprise, même si la croissance attendue en cette fin d’année est inférieure aux prévisions du premier semestre.

Cependant cette croissance est insuffisante pour permettre d’entamer le chômage. La croissance de l’emploi salarié a été modeste sur longue période comparée à celle de ses homologues avec un rythme de moins de 100000 créations par an en moyenne depuis 2005 comme sur la période plus récente de 2010-2014. Au cours de l’année 2014, elle est de 50000, s’analysant en une forte baisse de 40000 aussi bien dans l’industrie que dans le BTP, compensée par une hausse de 140000 dans le tertiaire, avec un chiffre élevé d’intérimaires de 50000. Le chômage reste le problème majeur de notre pays comparé à ses homologues (10,2% comparé aux 5/6% des US, UK et Allemagne) avec une poursuite de la tendance ascensionnelle. Il touche sévèrement les jeunes (37% des jeunes sont actifs dont 25% sont au chômage) et les non qualifiés. Le débat sur la réforme du marché du travail reste vivace car le chômage structurellement élevé de la France n’est pas seulement dû à un déficit de croissance.

  1. Les problèmes structurels majeurs de l’économie française

La question des moteurs de la compétitivité  et de la poursuite des réformes engagées par le gouvernement Valls reste d’actualité en 2016 car jusqu’à présent on n’a pas constaté d’amélioration significative de ce qui forme les principaux handicaps de l’économie française et on n’a pas encore engrangé les effets positifs du Pacte de responsabilité et du CICE sur le potentiel d’investissement des entreprises et de croissance du pays.

Le maintien du décrochage de la compétitivité dans les statistiques et études les plus récentes. Le taux de croissance des coûts salariaux nominaux, avec et sans charges sociales, a chuté de 3% en 2010 à 1,5% mais on reste sur une tendance où la croissance des coûts salariaux réels est dans l’ensemble supérieure aux gains de productivité.

Une étude récente de BCG confirme cette aggravation de la perte de compétitivité vis-à-vis des autres pays et notamment des US malgré la hausse du dollar.

                                    BCG Manufacturing cost index (tout compris avec intrants)

2004 2014 diff
US 100 100
Allemagne 117 121 4
Japon 107 111 4
Corée 99 102 3
France 115 124 9
UK 108 109 1
Chine 86 96 10
Brésil 97 123 26
Russie 87 100 13

L’augmentation des coûts unitaires entre 2007 et 2013 s’est traduite par une forte diminution des marges des entreprises, passées de 34% à 29,5%, grevant la capacité d’investissement des entreprises. Il en est résulté une difficulté à rattraper le retard déjà significatif dans la modernisation des entreprises et surtout les PME. Quelques chiffres :

  • Le pourcentage des emplois dans les secteurs de haute et moyenne technologie de l’industrie manufacturière liés à la RD est le plus faible des pays avancés de l’OCDE : environ 25% contre 35% en moyenne de l’OCDE, 34% à l’UK, 43% aux US, 45% en Allemagne. Ce pourcentage a augmenté partout depuis 2000 et 1980 sauf en France où il a baissé de quelques deux-trois points.
  • Les gains de productivité dans l’industrie manufacturière sont en France de 0,8% par an en moyenne annuelle depuis 2000, contre 1,5% en Allemagne et de 3,3% aux USA.
  • Le nombre des robots en activité est de 32000 en France (dont 5% dans les PME) contre 16700 en Allemagne et 304000 au Japon.
  • Le niveau d’utilisation des TIC dans les entreprises, apprécié par l’OCDE est de 160 aux US, de 147 en Angleterre, de 116 en Allemagne mais de 111 en France.
  • Le taux de RD est tombé dans son ensemble à 2,23% du Pib contre 3,47 au Japon, 2,85 en Allemagne, 3,3 dans les pays nordiques, malgré un niveau élevé de financement de la recherche des entreprises par l’Etat (0,37% du PIB contre 26% pour les US, 0,16 pour le UK et 0,08 pour l’Allemagne) avec un niveau de coopération université-industrie qui reste inférieur à celui des autres pays malgré les multiples mesures prises depuis 2004.
  • Le taux d’innovation de produits et de process est de 14% selon les enquêtes CIS contre 22% en Allemagne.

Ces différences, globales, sont particulièrement marquées pour les PME car la France se situe très bien dans l’échelle mondiale pour les performances à l’innovation de ses grandes entreprises et organisations (3ème selon Thomson-Reuters).

Il convient de rappeler enfin que la formation et la qualification professionnelle des actifs qui fait l’objet de rapports réitérés. L’initiative du premier Ministre de renforcer l’accent sur l’apprentissage et la formation des jeunes chômeurs est donc la bienvenue, aussi bien dans une perspective de court terme que de long terme, et, plus généralement, tous ces éléments militent en faveur de l’accentuation de l’effort engagé afin de bien adapter l’économie française aux données actuelles de l’économie internationale.

 Jean-Claude Prager.

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